Lettre d'info n°5 : Capitalisation d'expériences et échanges de pratiques

Edito : Enrichir et pérenniser la qualité de service

Rester compétitif, prendre l'avantage concurrentiel passe, pour l'entreprise, à la fois par la mise à disposition de produits nouveaux et surtout de services nouveaux. A tout produit, matériel ou non, est associé un service au client; c'est la qualité de service associée au produit qui est promue et qui fait la différence.

Mais quel rapport cela a-t-il avec la capitalisation d'expériences et l'échange de pratiques ? Ne suffit-il pas de former les collaborateurs pour que leurs pratiques progressent ? N'est-ce pas qu'une question de développement de compétences individuelles et de formation ?

Non, car la 'qualité de service' évoque immédiatement la qualité des fonctionnements humains dans l'entreprise dont dépend, en final, cette qualité. Les fonctionnements humains sont constitués des savoir-faire individuels, mais aussi des 'savoir-faire collectifs', en équipes métiers et transverses. Quelle qualité de service peut être offerte au client dans un hôtel si le personnel de cuisine est en conflit avec celui du restaurant ou de la réception ? Comment pouvez-vous progresser dans la maîtrise de la sécurité de fonctionnement, si vos équipes ne font que se limiter aux procédures écrites et si elles ne sont pas, en permanence, à la recherche de l'imprévu ? Quelles fiabilité et rapidité de service pouvez-vous garantir à vos clients si les mêmes problèmes se répètent et si vous avez l'impression de 'réinventer la roue' tous les jours ?
Nombreux et illimités sont les exemples où il est essentiel de faire progresser le geste professionnel de l'entreprise pour faire progresser le résultat final visé, c'est à dire le service client !


Enrichir et pérenniser ce geste, c'est faire progresser les pratiques individuelles et collectives par la capitalisation d'expérience. Celle-ci dépend de la capacité de chacun et de tous à apprendre des difficultés rencontrées, à enrichir les pratiques connues d'éléments nouveaux qui ne manquent pas d'apparaître tous les jours. Cette capitalisation n'est pas le résultat de simples incantations. Elle nécessite un contexte managérial approprié et volontariste. Elle doit être prise en charge et dynamisée par l'encadrement depuis le plus haut niveau de l'entreprise. Les outils de base de cet enrichissement permanent sont les groupes de partages et de capitalisation d'expériences et les groupes d'échanges de pratiques qui répondent à une méthodologie précise et nécessitent un savoir-faire spécifique d'animation.

Si le développement de la qualité de service représente un enjeu majeur pour l'entreprise, les obstacles à la capitalisation et aux partages de pratiques sont souvent culturels: manque de temps, pas de reconnaissance du droit à l'erreur, peur de parler de ses difficultés, refus de partager ses solutions ou ses informations, etc. Ce changement culturel, pour qu'il soit bien compris et qu'il s'intègre dans la culture de l'entreprise, nécessite l'impulsion et le soutien de la Direction Générale. Développer l'intelligence collective par la mise en place de groupes de capitalisation d'expériences et d'échanges de pratiques, est l'une des voies de développement compétitif pour l'entreprise.

Alain MASTIN

 

Groupes de capitalisation d'expériences et Groupes d'échanges de pratiques

Capitalisation d'expériences et partage de pratiques sont indispensables au fonctionnement et à la progression d'une équipe. Cette phase de capitalisation correspond à la phase de bilan du cycle de l'expérience, si souvent escamotée.
Ce genre de groupe se développe encore trop peu en France. Les résistances se situent à plusieurs niveaux:

  • Les personnes ne partagent pas facilement leur pratique, surtout quand elles appartiennent à la même entreprise.
  • Une logistique jugée lourde et coûteuse, qui prend du temps, nécessite la mise en place de réunions et la saisie d'informations devant être exploitées après.

Il est étonnant de rencontrer des entreprises avec une organisation matricielle et un fonctionnement par projet, qui ne mettent pas en place de structures de partages et de capitalisation d'expériences, notamment avec leurs chefs de projet. Toute l'expérience issue de la mise en place des projets tombe le plus souvent aux oubliettes et nombreux sont les chefs de projet qui ont un sentiment à la fois d'isolement et de non-reconnaissance par leur entreprise.

Le partage d'expériences représente une autre manière pragmatique de se former. Développer cette pratique en interne, c'est favoriser l'autonomie et l'apprentissage collectif.

Les groupes de capitalisation d'expériences

Les groupes de capitalisation d'expériences sont constitués de membres d'équipes opérationnelles traditionnelles ou transverses dans le cas de 'structures projets', placés sous l'animation de leur manager.

Ces groupes sont animés régulièrement avec la finalité de 'repérer et préserver les connaissances issues de l'expérience, c'est à dire les identifier, les localiser, les modéliser, les formaliser et les archiver' pour les transmettre ensuite à l'ensemble de la structure.

Cette capitalisation est vitale lorsque les évolutions technologiques sont importantes, car les opérateurs ont relativement peu d'occasions d'exprimer et de formaliser ce qu'ils rencontrent à leur poste. Pour faire progresser les pratiques et communiquer les savoirs aux jeunes recrues, l'ensemble des connaissances liées aux métiers est formalisé dans les procédures ou modes opératoires.

Les managers formés à cette animation peuvent, à leur tour, aborder leurs pratiques d'animateur au sein d'un 'groupe de partage de pratiques'. Animer ce type de travail avec son équipe représente, pour le manager, un changement important de style relationnel. Il passe d'une posture dans laquelle 'le chef a toujours raison' à une posture d'écoute, d'accompagnement et de responsabilisation de son équipe.

Ainsi, au-delà des bénéfices obtenus par la capitalisation d'expériences, un changement culturel pérenne s'engage dans le même temps.

Les groupes de partage de pratiques

Il s'agit de réunions au cours desquelles des professionnels partagent leurs expériences autour d'un thème. L'objectif consiste à échanger différents points de vue, à proposer des solutions à certains problèmes posés, à présenter les outils mis en place et à questionner ses confrères sur leurs pratiques (par exemple, des chefs de projets, des managers, des formateurs, une force de vente, etc.).
Nous sommes dans un apprentissage individuel par l'échange d'expériences. L'intérêt de ce type de réunion est multiple:

  • Fertiliser l'expérience par des processus de partage,
  • Faire ressortir et capitaliser pour chaque métier les pratiques les plus efficaces en termes de gestion et d'action,
  • Créer des réseaux d'entraide,
  • Reconnaître le professionnalisme et l'identité des personnes et valoriser leurs compétences.

L'animation de ce type de rencontre est confiée au groupe lui-même qui apprend à structurer les travaux et à mener un processus de groupe complexe.

Chaque séquence de travail est conduite par un processus d'animation spécifique, dont l'objet est le développement des pratiques évoquées. Les compétences demandées pour animer ces groupes sont celles requises pour être un manager facilitateur des évolutions de son équipe.

Alain MASTIN

Nos interventions:

  • L'animation de groupes d'échange de pratiques ;
  • La formation d'animateurs de groupes d'échange de pratiques, notamment de Managers à l'animation de leur propre équipe.
  • La mise en place au sein de l'organisation d'un réseau d'échange de pratiques;
  • L'accompagnement de formateurs / facilitateurs internes.
  • L'animation de bilan de fin de projet et de réunion de capitalisation d'expériences.

 1. Barthès JP La capitalisation des connaissances de l'entreprise, système de production de connaissances, Framatone Systèmes d'information Paris 1996.

 


Témoignage

Unilog, SSII de 5 000 personnes, a lancé cette année son Université d'entreprise. Jean-Loïc Sorel, actuellement directeur opérationnel à Lille, a été le chef de projet de la création de cette Université. L'un des principes fondateurs de cette université est la valorisation de l'enrichissement des compétences par le partage d'expériences.


FMK : Pour Unilog, que représente un groupe d'échanges de pratiques ?

JLS: Ce type de groupe n'est pas libellé sous le nom de GEdP. Nous utilisons l'échange de pratiques pour deux finalités dans des cadres différents. La première est l'enrichissement individuel des compétences, dans le cadre de l'Université Unilog. La seconde est la formalisation des meilleures pratiques de l'entreprise pour l'évolution permanente de notre Système Qualité. En effet, il y a identité chez Unilog entre Système Qualité et référentiel des best practices.
Dans le premier cas, nous constituons des groupes métiers et/ou des groupes de personnes vivant sur le terrain des situations et événements identiques. Nous organisons, par exemple, des groupes pour des chefs de projet, pour des managers RH juniors ou pour des assistantes de direction.
L'objectif est triple :

  • Les aider à prendre du recul - expliciter leur pratique génère du recul sur le 'faire' que chacun exprime,
  • S'enrichir des pratiques des 'pairs ' - repérer des réponses 'différentes' à des événements identiques à ceux qu'ils vivent,
  • Se fixer des objectifs de changement personnel.

Dans le second cas, nous réunissons des managers identifiés pour leurs bonnes pratiques dans la fonction que nous voulons améliorer. Il faut qu'ils soient à la fois des praticiens de la fonction et des 'décideurs'.
Nous avons un principe de précaution qui consiste à dire qu'il n'y a pas 'la' bonne pratique', mais plusieurs bonnes pratiques en fonction des contextes.


FMK : Qu'est-ce qui a suscité la mise en place de ces deux démarches ?

JLS: C'est une réponse à l'évolution de nos métiers et à la carence des dispositifs traditionnels de formation pour des personnes expérimentées sur un domaine. Cette démarche a été mise en place en 1997 localement par les opérationnels. Elle reste pilotée et animée par les opérationnels. Nous avons constaté que, d'une manière informelle, autour d'une tasse de café, d'un repas, il y avait des échanges enrichissants sur nos pratiques. Ensuite, nous avons vérifié que le partage ' structuré ' des pratiques était porteur d'enrichissement des compétences. En ce qui concerne les "best practices", dans notre entreprise composée d'entités autonomes, tout dispositif de normalisation des pratiques n'est crédible et accepté que s'il vient de praticiens et non de professionnels de la qualité.


FMK : Quelles qualités sont requises pour animer ce type de groupe de partages et qu'est-ce qui a été facile et plus difficile à gérer ?

JLS: Il faut aimer animer des groupes et avoir envie de partager ses expériences bonnes et mauvaises. Le plus facile, c'était de trouver des personnes motivées et volontaires, apportant du matériau d'échanges. Le plus difficile, au départ, fut de concevoir intuitivement la démarche. Là encore, nous avons expérimenté et appris de nos expériences pour améliorer l'efficacité de nos groupes.


FMK : Comment transférez-vous ces bonnes pratiques ?

JLS: Nous formalisons des documents et surtout, nous créons des mini-séminaires thématiques animés par des opérationnels.


FMK : Avec le recul, qu'en pensez-vous ?

JLS: Dans un système décentralisé, ces démarches contribuent à ce que des personnes appartenant à des unités autonomes aient les mêmes pratiques, le même geste. De plus, c'est économique en termes de dispositif pédagogique. Il n'y a pas de conception à réaliser et cela est animé en interne.


FMK : Comment votre Université d'entreprise va valoriser cette approche ?

JLS: D'une part, les groupes mis en place sur le terrain par les opérationnels restent à leur initiative. En revanche, dans les dispositifs pédagogiques de l'Université, nous avons institutionnalisé des temps d'échanges de pratiques quelques semaines après certains stages classiques. Nous avons également opté, pour l'ensemble de nos formations, pour une ingénierie pédagogique valorisant l'expérience, la réflexion sur l'action, la prise de recul, l'expérimentation et l'engagement d'actions de changement.


FMK : Quels conseils pourriez-vous partager avec des entreprises qui veulent développer ce type démarche ?

JLS: Je recommanderais de:

  • Ne pas se tromper sur la composition des groupes. Il faut des personnes volontaires, vivant des situations et évènements similaires.
  • Trouver des animateurs pertinents et non des formateurs. Ceux-ci doivent apporter de la valeur ajoutée au groupe et ne pas se contenter de la reformulation/synthèse des apports du groupe.
  • Avoir un dispositif de mise à l'action personnelle après le temps de travail en groupe sinon l'échange peut rester un 'café de commerce'.

 

 

Développement des compétences managériales et groupes d'échanges de pratiques

Dans la plupart des cycles de développement managérial que nous animons, nous intégrons, dans le processus pédagogique, des groupes d'échanges de pratiques. Ceux-ci se déroulent à chaque intersession et sont animés par les managers eux-mêmes. En effet, dès le premier module de chacun de nos cycles, nous développons des compétences de questionnement, d'écoute, de feed-back et d'observation et nous animons, avec les managers, une séquence d'EdP. En leur proposant de se retrouver par petits groupes pendant l'intersession et de prendre en charge la dynamique de l'EdP nous visons trois objectifs:

  • Une meilleure intégration des compétences de manager-facilitateur,
  • Le développement de leur autonomie d'apprentissage,
  • Le développement d'un réseau d'entraide entre managers qui puissent subsister après la fin de leur formation.

A chaque fois, les managers sont surpris par leur capacité à prendre en charge, en toute efficacité, l'animation de leur groupe d'échanges de pratiques. C'est un moment pour eux à la fois formel et informel d'échanges sur les thèmes qu'ils vont aborder ensemble. Ces regroupements intersessions renforcent la dynamique du groupe et démultiplie l'efficacité du travail réalisé ensuite dans les différents modules du cycle.
En revanche, il est rare que ces groupes subsistent à la fin du cycle. Les managers se téléphonent, ils se coachent mutuellement quand ils sont sur le même lieu de travail, mais ils ne se retrouvent pas en GEdP. En effet, tant que l'entreprise n'intègrera pas l'échange de pratiques comme faisant partie de la mission d'animateur du manager et d'enrichissement de ses propres compétences, celui-ci aura toujours le sentiment d'être en marge.

 

 

 

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