Lettre d'info N°12: RH & DEVELOPPEMENT DURABLE. Culture d'apprenance

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Edito

Culture d'apprenance, un défi pour développer l'employabilité

Développer les ressources humaines de son entreprise est un acte responsable, qui répond aux besoins du présent et prépare aux perspectives de son avenir. La formation a toujours été un moyen privilégié pour atteindre cet objectif. D'ailleurs, l'investissement formation est l'un des indicateurs d'évaluation de l'implication d'une entreprise dans le pôle social du développement durable. Plus son taux de formation est important plus elle a le sentiment d'oeuvrer en faveur des salariés. Il est vrai que la formation est un moyen de progression et d'évolution sociale. Mais, nous constatons que l'augmentation de ce taux dans notre pays n'a pas contribué à une baisse du chômage. Au contraire depuis 20 ans le chômage n'a cessé d'augmenter. Pour notre part, c'est le niveau d'employabilité des salariés et leur autonomie d'apprentissage qui nous paraît être l'indicateur le plus représentatif.

Pour développer cette employabilité, l'entreprise doit aborder la formation et l'apprentissage sous l'angle de l'apprenance.

Employabilité et apprenance deux termes qui peuvent paraître plus conceptuels que pragmatiques. Pourtant, il n'y a rien de plus concret que de promouvoir l'autonomie d'apprentissage et le développement permanent des compétences.

En réalité, encourager le salarié à passer du statut de collaborateur dépendant à celui de collaborateur autonome et créateur de richesse ne se décrète pas, mais demande un management responsabilisant, et une organisation qui soutienne et développe l'apprenance de ses collaborateurs. Encore faut-il que l'ensemble des parties prenantes, perçoivent dans cette approche une véritable démarche de développement des hommes plutôt qu'une simple manoeuvre visant à renforcer la responsabilité individuelle. Souvent, le salarié associe autonomie à responsabilité, le syndicaliste à libéralisme, le management à perte de pouvoir.

Pourtant dans ce monde en mouvement permanent la seule issue pour chacun des acteurs se situe dans sa capacité à se confronter au changement et non à le fuir, à s'ajuster et non à s'adapter.

Le DRH et son équipe doivent donc faire progressivement évoluer l'entreprise d'une culture de formation à une culture d'apprenance.

En effet, si la formation a pour vertu de transmettre de la connaissance, de faire évoluer des comportements, de partager des pratiques, l'apprenance vise plus particulièrement à développer l'employabilité en mettant le salarié au coeur de son évolution et de son apprentissage. Le défi n'est plus d'apprendre des connaissances mais d'apprendre à apprendre.

Développer une culture d'apprenance nécessite de repenser les dispositifs et les pédagogies d'accompagnement. Les choix pédagogiques se font, non plus en fonction de contrainte budgétaire, mais en fonction d'un objectif d'apprentissage plus durable. Faut-il encore que l'entreprise accorde de la valeur durable à son capital immatériel en investissant à moyen terme dans son développement.

Francis Karolewicz
Directeur FMK Consulting

 

L'apprenance : différents points de vue

Le point de vue des auteurs français

Dans le mot apprenance, il y a le suffixe « ance » qui veut dire « en charge de ». Nous pourrions dire que l'apprenance, c'est avoir la charge de l'apprentissage, est tout ce qui est mis en place pour permettre à une personne de trouver du sens à l'acte d'apprendre.
Ce concept est souvent associé au développement des Organisations Apprenantes et de l'Auto-formation. Issu de la pensée anglo-saxon, de nombreux auteurs français, tels que Philippe Carrée,Daniel Belet et Hélène Trocmé-Fabre nous présentent leur propre vision.
Pour Philippe Carrée, l'apprenance est « un ensemble de dispositions favorables à l'action d'apprendre dans toutes les situations formelles ou informelles, de façon expérientielle ou didactique, autodirigée ou non, intentionnelle ou fortuite.
Pour Daniel Belet,le paradigme de l'apprenance met l'homme au centre de la dynamique du développement de l'entreprise. Ce modèle de l'apprenance s'inscrit dans le cadre de l'évolution économique de nos sociétés, caractérisée par la dématérialisation des actifs, la place croissante des services, l'impact des NTIC, mais surtout par la reconnaissance de la valeur des savoirs, des savoir-faire et des talents des hommes.
Pour Hélène Trocmé-Fabre, c'est avant tout un statut d'acte existentiel. En apprenant, la personne accepte le risque de changer et de grandir.

Notre point de vue

Pour notre part, il existe un lien étroit entre le vivant, l'apprenance et la durabilité. Un système vivant est un système qui interagit en permanence avec son environnement. Pour durer, il doit être capable de « s'ajuster » à cet environnement et non de « s'adapter ». Pour développer cette capacité d'ajustement et créer les conditions d'une culture d'apprenance, nous proposons de développer quatre macros compétences, qui recouvrent les actes fondamentaux du vivant :

  1. Se relier à son environnement.
  2. Innover pour s'ajuster en permanence à son environnement.
  3. Partager pour devenir plus fort et apprendre ensemble.
  4. Savoir se réorganiser pour permettre au système d'évoluer en intégrant les apports des premières macros compétences.

Quels que soient les auteurs et les définitions, l'apprenant est au coeur de son développement. Il passe du statut d'objet à celui de sujet, auteur de son apprentissage. Le rôle de l'entreprise est de créer les conditions de l'apprenance, celui du management de l'accompagner, celui des individus d'autodéterminer leur choix d'évolution.

Philippe Carrée, auteur de «L'apprenance, vers un nouveau rapport au savoir». Éditions Dunod, 2005.
Daniel Belet, auteur de «Devenir une vraie entreprise apprenante : les meilleures pratiques». Éditions d'Organisation, 2002.
Hélène Trocmé-Fabre, auteur de nombreux ouvrages sur le développement de l'apprenance, notamment «J'apprends donc je suis». Éditions d'Organisation, 1994.
Le développement de ces macro-compétences feront l'objet d'une prochaine lettre info sur les lois du vivant. CF livre « RH et le Développement Durable » de Bernanrd Calisti et Francis Karolewicz. Éditions de l'Organisation, mars 2005.

 

Faut-il s'adapter ou s'ajuster ?

S'adapter au changement
est l'une des capacités que les entreprises voudraient développer auprès de leurs salariés. L'adaptation reste à notre sens une posture réactive de survie et non de croissance. Dans l'acte de s'adapter, l'individu doit se modifier au regard des évolutions de son environnement. A force d'adaptations successives, les entreprises ont perdu le coeur de leur mission initiale et les individus souvent leurs valeurs, la motivation et parfois leur fierté d'appartenance.

S'ajuster
développe au contraire une posture proactive dans laquelle l'individu prend à la fois en compte l'évolution de son environnement mais également ses propres besoins, envies et valeurs. S'ajuster nécessite beaucoup de créativité et une grande capacité de ré-organisation. Dans l'ajustement la question qui se pose en permanence est de savoir comment nous pouvons répondre à la fois aux besoins de notre environnement tout en respectant notre écologie personnelle. C'est une posture apprenante dans laquelle l'individu construit ses compétences en restant en contact permanent avec son environnement.

Si la formation développe la capacité à s'adapter, l'apprenance propose à l'individu de s'ajuster et de se développer au contact de son environnement.

Le concept d'ajustement est lié au concept de liberté et de responsabilité individuelle. En tant qu'individus, nous sommes responsables de nos actes et nous sommes libres d'interagir avec notre environnement comme bon nous semble. C'est dans l'expression de ce choix que nous pouvons grandir et nous développer, ou dépérir et finir au rebus.
La métaphore de la grenouille, issue du livre de Peter Senge, illustre comment l'adaptation peut, in fine, nous conduire à notre perte. Imaginez que vous plongiez une grenouille dans une grande casserole d'eau froide. Elle s'y sent à l'aise et peut se détendre. Puis vous allumez le feu et l'eau commence à tiédir. La grenouille se sent bien et s'adapte petit à petit à la chaleur grandissante de l'eau. Soudain, l'eau frémissante commence à fortement chauffer. La grenouille ne peut plus s'adapter et veut sortir de l'eau. Mais il est trop tard. Elle est tellement épuisée par ses adaptations successives qu'elle n'a plus la force de sauter et meurt ébouillantée. L'être humain, tout comme la grenouille, s'adapte à la routine, à l'inconfort, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus le supporter. C'est à ce moment-là qu'il devrait rassembler toutes ses forces pour sortir de cette situation de crise, mais il se sentira si épuisé qu'il en sera incapable.
S'ajuster au contraire, nécessite beaucoup de créativité et une grande capacité d'auto-organisation. Cela nécessite de développer sa capacité d'apprendre à apprendre au contact de son environnement.

Recommandations pour mettre en oeuvre une culture d'apprenance

Toute entreprise qui veut se développer durablement, en mettant en oeuvre les principes d'une culture apprenante, devrait suivre les recommandations suivantes :

Reconnaître l'enjeu stratégique du développement des hommes.
Intégrer la nécessité du changement et accepter l'incertitude.
Développer la cohésion de la ligne hiérarchique en créant une dynamique managériale d'apprenance
Développer l'innovation et susciter le partage permanent
Poser des règles de jeu explicites:

  • Accepter la pluralité des points de vue.
  • Reconnaître le droit à l'erreur et donc à l'expérimentation.
  • Développer la coresponsabilité, chacun étant à 100% responsable de ses actes
  • Faciliter l'interdépendance et l'autonomie.
  • Favoriser le temps d'assimilation et d'intégration des changements mis en oeuvre.


Peter Senge - professeur au MIT et auteur du best-seller 'La Cinquième Discipline' (le guide du terrain), Editions First, année 2000- est un théoricien pionnier en innovation managériale.

  

Avez-vous une culture d'apprenance ?

Investir dans la formation des salariés n'implique pas que l'entreprise développe une culture d'apprenance.
Votre entreprise répond-elle aux caractéristiques d'une entreprise apprenante ? Evaluez sa position sur chacun des items ci-dessous, (1 étant le niveau le plus faible, 10 le plus fort)

 Tableau culture d'appartenance

 

 

 

 

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