Lettre d'info n°8: Le Manager Coach


Edito : Manager-coach, recette ou nouvelle posture ?

Nous rencontrons de plus en plus d'organisations qui développent en interne des compétences de 'coach' et mettent en place des dispositifs d'entretiens conduits par des managers auprès d'autres cadres, portant le nom de 'coaching'. Les managers eux-mêmes sont invités à entretenir avec leurs équipes des relations s'inspirant du coaching, et à devenir des 'manager-coach'.

S'agit-il d'un nouvel effet de mode ou cela répond-il à des besoins spécifiques ?

Nous avons souvent l'impression que le 'coaching' est utilisé ou souhaité comme outil en tant que tel, ce qui risque de le réduire à l'état de simple recette et, à terme, d'en faire échouer l'usage. Ces dispositifs et nouvelles attitudes ne peuvent s'envisager qu'au service d'une volonté de développement de l'efficacité des équipes et des managers à travers de nouvelles pratiques managériales.

L'évolution des pratiques managériales, au regard des changements d'organisation, reste un enjeu majeur dans le fonctionnement de l'entreprise et l'efficacité des équipes. La vie actuelle des entreprises implique de la distance physique et du recul relationnel. Par exemple, les opérateurs du front office doivent à présent prendre immédiatement, face à leur client et à leur écran informatique, des décisions rapides qui, auparavant, étaient soumises au responsable.

La distance relationnelle est également induite par des organigrammes plus plats. Les responsables hiérarchiques doivent se dégager du court terme pour s'intéresser au moyen terme, tout en ayant sous contrôle l'activité à court terme. Le développement de l'efficacité passe par la délégation de décisions et un accompagnement de proximité qui assure une progression de l'autonomie des équipes : les managers 'coachent' véritablement leurs équipes. Cette délégation des décisions impose une meilleure responsabilisation des équipes et de leurs encadrants de proximité et accroît leur capacité d'autonomie.

L'ère du meilleur technicien dans son métier promu 'manager' est révolue, pour laisser la place à des 'managers-facilitateurs' ou 'managers-coachs' qui doivent encadrer, tout en accompagnant.

Former les managers à devenir ces accompagnants est essentiel mais, par certains aspects, insuffisant. Ils ont aussi besoin d'être aidés, suivis dans leur développement : finie l'ère où le manager fait comme il peut. Ces dispositifs sont mis en place pour répondre à un besoin de développement des encadrants, en leur fournissant une aide et un accompagnement dans leur pratique du management de terrain. Il devient aussi important de travailler sur comment l'on manage que sur ce qui est managé. Il est possible d'admettre que le goût du management est inné, mais la pratique s'apprend, se travaille, s'améliore.

Enfin ces dispositifs relèvent le défi du décloisonnement entre unités et favorisent le développement de synergies, même à haut niveau hiérarchique, afin de promouvoir des pratiques et des réflexes de 'gagnant-gagnant'.

Alain Mastin

 

Témoignage : Maïté Raymond, Responsable des formations en développement du potentiel à l'Académie ACCOR.

FMK : Qu'est-ce qui vous a amené à mettre en place une formation de 'manager-coach' ?

MR : L'ambition du groupe ACCOR est d'être le meilleur employeur de l'année. Cette formation s'inscrit tout naturellement dans le développement du potentiel des managers et dans le cadre de l'organisation apprenante qui est notre objectif. Développer des compétences de coach pour les managers permet une montée en puissance des modes de management et d'organisation.

FMK : Quels changements concrets attendez-vous des managers ayant suivi ce type de formation ?

MR : Ils doivent conduire la mise en place d'un management par projet avec des délégations clairement définies. Cette formation au coaching permet aux managers de prendre du recul et de travailler autrement qu'en planification et en contrôle. Ils développent des compétences d'écoute, de pédagogie et sont plus proches des vraies difficultés de leurs collaborateurs. Les managers développent une vision plus globale et une meilleure analyse des risques. Ils acquièrent une plus grande confiance de leur équipe puisqu'ils pratiquent un accompagnement personnalisé face aux difficultés de chacun. Cette démarche génère plus de motivation auprès des collaborateurs qui se sentent davantage soutenus. Etre manager-coach, c'est aussi modifier sa zone de responsabilité et de pouvoir. C'est une possibilité d'enrichissement réciproque dans les concepts managériaux et leur mise en oeuvre, et d'acquérir une meilleure connaissance de soi-même.

FMK : Quelles sont, selon vous, les difficultés pour un manager d'être à la fois dans une position de hiérarchique et de coach ?

MR : Il est indispensable de fixer un cadre spécifique pour chacune des pratiques. Ce sont deux casquettes différentes. Le manager doit être au clair sur son rôle dans ses interventions. Il doit être prêt à entendre, de la part de son 'coaché', des solutions auxquelles il n'adhère pas forcément en tant que hiérarchique. Cet aspect est l'un des plus difficiles à traiter par le manager-coach. Il est important, alors, qu'il le pose au sein de la séance de coaching. Nous insistons d'ailleurs beaucoup sur cet aspect dans la formation. C'est l'opportunité, pour le manager-coach, de prendre une certaine distance. Il n'est pas là pour décider mais pour amener son collaborateur à prendre conscience qu'il y a plusieurs scénarii possibles. Il faut donc un contrat de coaching avec des règles précises et structurantes pour les deux. Le rôle du coach est d'écouter plus que de parler. Il n'apporte pas des solutions mais apprend à son collaborateur à développer son autonomie et sa responsabilisation dans un cadre bien particulier. Par ses questions, il le fait progresser. Il doit être capable de faire naître l'autre à sa solution sans lui donner la sienne. L'enjeu, pour le manager-coach, se situe dans sa capacité à faire la distinction entre le hiérarchique qui décide et impulse, et le coach qui accompagne et fait grandir.

FMK : En quoi les équipes y gagnent-elles ?

MR : Les équipes acquièrent plus d'autonomie et réalisent davantage leur potentiel. Les collaborateurs sont mieux préparés à leur future mobilité. Cette approche insuffle une forte dimension interpersonnelle entre le manager-coach et les membres de son équipe. Cela aide les managers des équipes opérationnelles à prendre du recul et à acquérir une autre manière de manager. Les équipes développent une réflexion sur le sens du travail et la place de chacun. Elles ont plus de capacité à accepter le changement comme une constance de la vie et à savoir s'ajuster aux événements et donc à être capable de les gérer d'une manière plus souple.

La formation de manager-coach de l'Académie Accor

C'est une formation qui se déroule sur 2 x 2 jours suivis de 3 x 1/2 journées de supervision. Elle s'adresse à des managers confirmés qui ont un fort désir de développer de telles compétences. Ce sont souvent des managers déjà très attentifs au développement de leur potentiel aussi bien que celui de leurs collaborateurs. Le séminaire débute par une analyse concrète du potentiel individuel et collectif de leurs équipes. Nous abordons ensuite les modalités de mise en place de séances de coaching avec des collaborateurs : Définition du cadre et des règles de fonctionnement, contrat à mettre en place, déroulement des séances. Différentes thématiques sont abordées telles que la gestion de l'émotionnel, la place respective du manager en tant que coach et en tant que hiérarchique. Chaque participant est amené, à partir du diagnostic d'équipe élaboré le premier jour, à identifier des objectifs de coaching pour les proposer à chacun de ses collaborateurs, individuellement puis sur le plan collectif. De nombreuses mises en situation permettent aux participants d'expérimenter les difficultés qu'ils pourraient rencontrer dans la pratique du coaching. Les 3 x 1/2 journées de supervision permettent aux participants de présenter des cas concrets menés entre-temps, de recevoir un feed back de leurs collègues et du consultant qui peut apporter outils et méthodologies complémentaires.

Retour d'expérience en matière de supervision de manager-coach.

Le danger pour les managers qui mettent en place cette nouvelle attitude est de passer du ' trop directif ' au ' sans cadre '. Le manager est donc confronté à poser un cadre relationnel très différent, ce qui lui est difficile car il n'a jamais fonctionné de cette manière. Nous avons pu constater à nombreuses reprises ce manque de cadre. D'autre part, les collaborateurs attendent de leur managers plus de transmission de leurs expériences. En tant que coachs, les managers sont passés de donneurs d'ordre à facilitateur d'un autre mode managérial, de partages de pratiques, de donner du feed back, etc. La différence fondamentale entre le coach et le hiérarchique est que le premier se centre essentiellement sur l'analyse du processus, sur le ' Comment faire ' et non sur le contenu de l'action en tant que telle, ni sur ses résultats. Pourquoi telle action n'a pas été efficace ? Qu'aurait-il fallu faire ? Quels enseignements le collaborateur en tire t'il ? Ces questions ne se posent pas dans une attitude de rendre des comptes mais bien de remise en question et d'analyse, sans jugement. C'est la progression des compétences qui est visée en premier par le retour d'expériences. L'aspect résultats et contenu incombe au hiérarchique. Il est donc important que le manager-coach identifie bien à partir de quelle place il parle à son collaborateur. Si c'est clair pour lui, il pourra alors, au sein de la séance de coaching, communiquer sur cette place. Il pourra même dire : ' C'est bien en tant que coach que je vous pose cette question, mais c'est en tant que hiérarchique que je vous demande de me faire un point sur le sujet pour demain '. Cette relation différente entre le manager et son collaborateur permet aussi une communication interpersonnelle plus engagée et plus profonde, par exemple : 'Sur ce dossier, qu'attendez-vous de moi en tant que coach ? '

 


Coaching interne et coaching externe, cadres et compétences

Les rôles de 'manager' et de 'coach' s'inscrivent dans des cadres de fonctionnement différents, voire apparemment incompatibles. Peut-on véritablement parler de coaching interne ? Que peut-on en attendre ? Quels en sont les avantages et les limites ? Quelles sont les compétences mises en oeuvre ?

Nous identifierons dans cet article trois cadres de fonctionnements différents dans un ordre décroissant de recul par rapport au 'coaché' :

  1. celui du coaching externe à l'entreprise, pris comme référence au coaching,
  2. celui du coaching interne, assuré par un manager ou toute autre personne formée à la relation de coach et non hiérarchique vis-à-vis des coachés,
  3. celui du manager-coach, assumé par le hiérarchique exerçant des compétences empruntées au coaching dans sa manière d'accompagner ses équipes.

 

 

  1. Le coaching externe est assuré par un coach professionnel extérieur à l'entreprise, donc à la situation; il est neutre, non engagé dans l'atteinte des objectifs opérationnels à court ou moyen terme du 'coaché'. De sa posture externe au système de l'entreprise, il peut élargir la réflexion du 'coaché' pour lui faire découvrir des implications plus larges que celles envisagées de prime abord. Le 'coaché' peut discerner plus efficacement ses zones d'interventions et mieux prendre conscience du fonctionnement du système dans lequel il se situe.
  2. Le coaching interne s'appuie sur une structure transverse d'accompagnement des managers. Des 'coachs internes' sont formés et désignés pour accompagner le développement des managers. Ils font partie de l'entreprise et, à ce titre, sont porteurs de ses valeurs et de ses pratiques. L'aide et le soutien apportés seront nécessairement colorés par ces éléments. Néanmoins, étant non hiérarchiques, ils peuvent plus facilement permettre à leur coaché de prendre du recul.
  3. Le manager-coach est partie-prenante dans les sujets abordés. Il est autant centré sur les résultats que sur comment ils sont atteints, étant lui-même engagé dans leur réalisation. Il est dans le système porteur de la problématique évoquée et peut être lui-même l'une des causes du dysfonctionnement; il va, de fait, limiter les possibilités d'investigation du 'coaché' par manque de recul. Mais, en développant cette posture de coach, il va responsabiliser et favoriser davantage l'autonomie de son équipe.

 Manager Coach

Il devient comme un 'coach sportif' auprès de son équipe ou de son athlète; il entraîne, conseille, prépare et soutient.

Dans ces conditions, est-il possible d'utiliser le terme coaching pour parler de 'manager-coach' ou de 'coaching interne' ?

Notre réponse est Oui et Non.

Oui, dans la mesure où les compétences empruntées au 'coaching' seront très utiles tant au 'coach interne' qu'au 'manager-coach' pour accompagner l'encadrant dans la mise au point de sa pratique.

Non, en ce qui concerne le cadre de fonctionnement, puisque la prise de recul par rapport au système global n'est pas en oeuvre. Pour respecter et clarifier ces différentes approches, nous préférons parler de 'manager-facilitateur' pour évoquer la caractéristique guidante du manager hiérarchique et de 'mentor' pour désigner l'accompagnement du développement d'un manager par un autre manager non hiérarchique.

Quelles sont les compétences empruntées au coaching externe que le 'manager-facilitateur' et le 'mentor' peuvent utiliser ?

La première compétence est de conduire des entretiens qui aident le 'coaché' sans se substituer à lui. Cela nécessite de maîtriser les outils de base de l'entretien comme les questionnements et les reformulations, et de développer une haute qualité d'écoute. Cette technique d'entretien vise plus à mettre au travail le 'coaché' sur la problématique qu'il apporte et sa manière de la poser, qu'à lui fournir des solutions. Un des principes fondamentaux du 'coaching' est que si le 'coaché' ne trouve pas de solutions, c'est qu'il pose mal son problème. Si le 'manager-facilitateur' se place dans l'impératif d'avoir à trouver des solutions, il ne permet pas à son 'coaché' de remettre en question sa manière de poser le problème. De plus, le 'manager-facilitateur' étant hiérarchique, l'entretien n'aura pas de valeur pédagogique ou d'apprentissage, mais se résumera à une transmission de consignes.

La seconde compétence indispensable au 'manager-facilitateur' et au 'mentor' est d'être capable d'avoir une approche systémique pour permettre au 'coaché' de compléter sa représentation des acteurs et des relations entre eux. Puis, de l'amener à élargir sa réflexion sur le contexte humain dans lequel prend lieu la situation évoquée, afin de l'aider à trouver des pistes d'actions possibles.

Pour que ces dispositifs amènent les 'managers' à progresser en apprenant de leurs pratiques, il est essentiel que ces entretiens de coaching soient conduits par des personnes ayant acquis ces compétences.

Cadre et objectifs du coaching ainsi repositionnés, permettent de mieux connaître les limites de ce que nous mettons en place. Ne soyons pas trop puristes, il serait dommage, pour des raisons linguistiques ou des débats d'écoles, de ne pas transposer auprès des managers et 'mentor' des compétences de coach tout à fait accessibles et très efficaces pour accompagner le développement de l'encadrement de l'entreprise. 'Manager-facilitateur' et 'mentor' sont essentiels pour favoriser le développement des compétences, la transmission de certaines 'bonnes pratiques' et la constitution des réseaux transversaux d'entraide interne. C'est un maillon essentiel au développement d'une entreprise apprenante.

Alain MASTIN

 

 

 

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