Lettre d'info n°3 : L'expérience, un capital encore inexploité

Edito: L'expérience, un capital encore inexploité

Stop au gâchis économique, humain et psychologique. Arrêtons de ne manager que des chiffres et des comptes d'exploitation. Arie de Geus, dans son étude sur les entreprises centenaires, fait ressortir que celles-ci ont su capitaliser et développer leur capital humain pour maintenir et développer un niveau de rentabilité important.
Malheureusement, sous la pression des actionnaires, la valeur d'une entreprise correspond souvent pour ses dirigeants à la dernière ligne du compte d'exploitation. Pourtant, la valeur ajoutée d'une entreprise réside aussi dans la capacité de son personnel à créer de la valeur à travers son expérience, sa capacité à innover et à développer d'autres manières d'agir. Cette valeur, peu d'entreprises savent en créer les conditions et encore moins la faire fructifier, l'exploiter, la capitaliser et la transférer.

Cette valeur a un coût pour ceux qui ne savent pas en tenir compte: des milliers d'heures de réunions à redéfinir les mêmes actions, à répéter des tâches déjà réalisées par d'autres et des millions de francs à réparer des erreurs, à regagner des clients perdus par précipitation.

Au-delà de la non prise en compte de cette valeur expériencielle que représente ce capital d'intelligence individuelle et collective, il s'agit aussi de motivation et de reconnaissance des personnes.

Il y a quelques années, des spécialistes de la qualité nous expliquaient que les entreprises avaient des réserves de productivité dues à la non exploitation de la créativité et de la motivation de leur personnel. Le temps leur a donné raison. Nous pouvons également dire que les entreprises possèdent un véritable gisement de richesses immatérielles constituées d'expériences, d'expérimentations individuelles et collectives qu'elles mettent peu en valeur.

Avec le départ par milliers des plus de 55 ans et l'arrivée massive des jeunes, les entreprises ont l'occasion de mettre en oeuvre tout un processus qualité au niveau de l'apprentissage et du transfert des connaissances et des compétences.

D'ailleurs certaines entreprises transforment la pyramide des âges en opportunité et motivent les quinquagénaires pour transmettre leurs expériences aux jeunes qui prendront la relève. Elles organisent aussi les transferts de connaissances et de compétences en mettant en place des systèmes de recueil d'informations, des groupes d'explicitation des savoirs et de partage d'expériences et des ' mentors ' pour les jeunes arrivants. Le retour et le partage d'expériences deviennent un acte professionnel à part entière intégré au temps de travail.

Pour la décennie à venir, l'enjeu des entreprises est double : faire face à un départ massif à la retraite de leur personnel et développer la capacité d'apprentissage de leur organisation. Les réponses possibles pour relever ces deux défis sont de:

  • favoriser, valoriser et exploiter l'expérience individuelle et collective de leurs collaborateurs;
  • développer l'esprit d'innovation, d'expérimentation et de création.

Faut-il encore dépasser la croyance que le (seul) temps efficace est celui passé dans l'action, à agir et à mettre en oeuvre, et prendre conscience que la valeur d'un homme réside autant dans sa capacité à faire que dans celle de réfléchir, d'innover et de partager ses compétences.

Francis KAROLEWICZ
Directeur FMK Consulting

Le retour d'expérience

Concernant à la fois l'Individu, l'Equipe et l'Entreprise, il n'est de progression des résultats d'une activité ou d'une action, que par la mise en oeuvre du retour d'expérience, par l'évaluation des conditions du déroulement de son exécution. Il n'est pas non plus de progrès continu, sans phases de retour d'expérience régulières.

Cher à l'Assurance Qualité et aux qualiticiens, le retour d'expérience est ce moment qui identifie à partir d'indicateurs et de mesures les progressions effectuées, les compétences développées et les progrès restant à réaliser. Les actions de changement sont élaborées, le plan de changement mis en oeuvre, permettant d'obtenir les résultats souhaités.

Le retour d'expérience est le moteur du progrès continu au sens organisationnel, collectif et individuel du terme. Il est l'élément indispensable à l'apprentissage, au changement et à la croissance de la responsabilité humaine. Il permet l'amélioration des résultats et objectifs en agissant sur 'comment' la tâche ou l'activité est réalisée, non par une simple supplique incantatoire à l'atteinte des résultats ou, pire encore, par un simple 'débrouillez-vous comme vous voudrez pour atteindre l'objectif !'

Cependant, la peur de la sanction à l'annonce d'une erreur, vécue comme un échec, au lieu de la considérer comme une chance de progrès, reste un obstacle culturel à dépasser :

Tuez le messager, vous n'aurez plus de mauvaises nouvelles

  • Ce qu'il est, son importance

Le retour d'expérience est d'abord et avant tout un moment d'arrêt de toute action ou activité. Ce n'est que lorsque l'action s'arrête qu'il devient possible de réfléchir à comment cela se passe, à ce qu'il faudrait améliorer. Par exemple, lorsque vous avez eu un entretien avec une personne ce n'est qu'après, une fois sorti de son bureau, que vous vous dites 'j'aurais dû faire ou dire ceci ou cela'. Alors pourquoi l'idée vous vient-elle maintenant et non pendant l'entretien ? Simplement parce que pendant l'entretien vous êtes directement impliqués, vous ne disposez pas du recul suffisant pour analyser lucidement les éléments que vous recevez pour en tenir compte. Vous êtes mobilisés par le résultat à atteindre, au détriment de comment vous menez l'entretien. Ceci est le principe du retour d'expérience.

Si à aucun moment vous ne stoppez l'activité, vous ne pourrez en améliorer les conditions de fonctionnement. Si l'activité n'est pas régulièrement interrompue, vous 'surfez', vous 'zappez', vous êtes condamnés à corriger toujours les mêmes anomalies, à 'éteindre les incendies' sans pouvoir agir sur les causes qui les ont créées.

C'est cette partie du cycle de l'expérience qui marque un temps d'arrêt, donnant d'ailleurs l'impression de 'perdre du temps'. C'est en fait en gagner, puisque l'action qui suivra se fera dans de nouvelles conditions, intégrant les enseignements du passé. Ce temps d'arrêt est en fait constitué de deux phases, l'une consacrée à faire le bilan, l'évaluation de l'action passée, l'autre dédiée à concevoir et corriger l'activité à venir :


Une action bien préparée est à moitié terminée

  • Intégrer, capitaliser l'expérience

Le retour d'expérience permet d'identifier les méthodes qui conduisent au succès, d'évaluer le chemin parcouru, de mesurer l'efficacité de son action, d'accéder à la capitalisation d'expérience en favorisant le développement et le partage des pratiques 'gagnantes'. Pour progresser, toute personne a besoin de discerner ses savoir-faire, d'évaluer ses compétences afin de les renforcer.

Connaissant mieux les acquis qui sont les siens, connaissant mieux ses compétences, les engagements auprès des clients se trouvent confortés, crédibilisés.

  • Le mettre en place, le faire vivre

Trois dimensions principales sont concernées par le retour d'expérience, celle de l'individu, celle de l'équipe, celle de l'entreprise. Mettre en oeuvre le retour d'expérience revient à l'organiser, le déployer, l'animer dans ces trois niveaux. Il matérialise la volonté individuelle et collective d'améliorer les savoir-faire afin d'améliorer les résultats, de façon durable et permanente.

Au plan individuel, il relève principalement de la volonté personnelle de le mettre en place. Il résulte d'une attitude volontariste marquée par une décision : 'je décide de consacrer le temps nécessaire à évaluer mes actions ou celles de mon équipe'. Cette décision est en relation directe avec votre gestion du temps. 'Gérer le temps' reviens à structurer le temps, afin d'être maître d'un certain nombre d'activités essentielles à l'exercice de son métier, et cesser d'être à la merci des événements, de laisser son temps défiler au bon vouloir des aléas. Concrètement, vous pourrez structurer votre temps en intégrant des pauses dans l'action quotidiennes, hebdomadaires ou mensuelles, pour évaluer et réorganiser vos activités. Dans une certaine mesure, avoir un entretien avec un 'coach' ou une personne aidante, constitue un retour d'expérience.

Pour l'équipe, c'est votre décision de consacrer le temps nécessaire qui marque l'intérêt que vous portez au retour d'expérience et à son importance. De la même manière qu'en individuel, des pauses dans l'action, sous forme de réunions à rythmes réguliers doivent être ménagées, pour évaluer et améliorer les résultats et les méthodes de travail. Par la même, se développent la délégation et l'autonomie de vos collaborateurs, vous obtenez en retour le recul et une vision globale sur l'action.

Pour l'entreprise, le retour d'expérience est organisé autour de toutes les instances de pilotage d'activité, dont les buts sont de faire le point d'avancement des opérations, d'examiner les difficultés rencontrées et de décider de modifications de fonctionnement de l'entreprise. La revue de Direction de l'Assurance Qualité en est le plus connu, mais on peut y associer les revues de projets et les comités d'opérations. Tous les sujets doivent être abordés en recherchant les solutions aux effets des problèmes posés, mais aussi les solutions aux causes qui ont produit ces effets, pour agir sur l'ensemble du système et non sur les symptômes seulement. Le retour d'expérience est l'occasion pour la Direction de prendre connaissance des difficultés rencontrées dans l'entreprise, de l'impact de ses décisions sur les opérations, et de réaliser des arbitrages de nature stratégique ou procédurière évitant que le problème ne se reproduise.

  • Les obstacles à son développement

Les obstacles à combattre pour la mise en place du retour d'expérience, sont d'ordre culturel, collectif et individuel. Ils découlent essentiellement de deux causes principales : la crainte d'exposer ses erreurs, la peur de perdre du temps. La peur de perdre du temps peut d'ailleurs masquer celle d'exposer ses erreurs. D'une part le retour d'expérience met à jour d'éventuels échecs, dont les personnes craignent, à tord ou à raison, les conséquences pour leur avenir. D'autre part, 'arrêter d'être en action' est vécu, et souvent jugé, négativement comme un signe de fainéantise ou de non-engagement.

Ces deux freins culturels sont à combattre dans l'entreprise par l'évolution indispensable du style relationnel et managérial. La peur de révéler ses échecs et la peur de perdre du temps doivent être rassurées par un accompagnement hiérarchique ouvert valorisant l'apprentissage, la progression, la recherche des améliorations et l'investissement en temps pour améliorer les résultats.

Mettre en place le retour d'expérience impose de structurer le temps et l'action en agissant avec le seul outil qu'a le manager pour agir, c'est à dire lui-même en tant que savoir-faire relationnel et humain. Il nécessite toujours une volonté, une décision ; il s'organise, s'anime et il s'inscrit dans la permanence pour que les effets puissent se faire sentir. C'est en premier lieu une décision individuelle dans laquelle le rythme de vie est essentiel, puisqu'il faut pouvoir arrêter ou ralentir l'action. C'est une attitude quelque peu à contre courant des idées reçues recherchant la performance par la vitesse ou la rapidité d'exécution.

Du Coaching à la formation de manager, en passant par les groupes de partages de pratique et la supervision, le retour d'expérience est au coeur de l'action du professionnel de l'accompagnement du changement.

Alain MASTIN

 

 

 

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